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Le
13 janvier 1896, le conseil municipal envoie une délégation auprès du
président de la République Félix Faure pour l'inviter aux fêtes de
l'inauguration. Félix Faure accepte très volontiers. On retient la date du 12
juillet. En
mai, Theunissen, présenté au président Félix Faure pendant sa visite au
Salon des Champs-Élysées, à Paris, lui remet une photographie du monument. Le
président le félicite et lui promet de venir l'inaugurer. |
Mais, en juillet, le président doit partir en voyage. En septembre il assiste aux grandes manœuvres. En octobre. C'est la Foire à Saint-Quentin ! Novembre ?. Félix Faure ne peut prendre de décision avant la fin de septembre. Le 22 septembre, il fait demander au maire de lui rendre sa parole. Le 3 octobre, Mariolle-Pinguet, le maire, propose de reculer jusqu'au début de mai 1897. Le 17 novembre 1896, il propose la Pentecôte. Ce sera le 7 juin 1897. Cette fois, c'est la bonne date, elle ne changera plus. Pour la fixer, elle a coûté aux Saint-Quentinois sept visites à l'Élysée ! Pour la préparation de la fête, une convention est signée avec une maison de Saint-Ouen qui s'engage à fournir en location et à installer le matériel de fête et de décoration nécessaire. |
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Les compagnies de chemin de fer décident de mettre en place de nombreux trains spéciaux. La partie gastronomique de la fête est confiée à la maison Potel et Chabot de Paris. Pour les cadeaux aux visiteurs, on a fait
relier un ouvrage réalisé par la Société Académique : La Guerre de 1557 en Picardie.
L'exemplaire de Félix Faure est relié en plein maroquin du Levant, couleur
bleuâtre, avec fers spéciaux, les armes de la ville de Saint-Quentin et le
chiffre de Félix Faure. |
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Un concours de musique a lieu le 6 juin, où 69 sociétés de musique se présentent. La remise est effectuée le soir même, par le maire, sur la Grand'place, suivie d’un banquet à l'Hôtel du Commerce. L'atmosphère de la ville est envahie par la musique, la multitude et les cris. Le 7 juin 1897, au milieu de la place, le monument de 1557 est enveloppé d'un immense voile à raies verticales bleues, blanches et rouges. Seul émerge le groupe du centre «Saint-Quentin protégeant la France». |
Autour du terre-plein, de nombreux mâts
supportant des écussons R.F. et des trophées de drapeaux, reliés entre eux,
à leurs sommets, par des guirlandes et des pavillons, de couleurs variées.
Face au monument, du côté opposé à l'hôtel de ville, la tribune. Aux quatre
coins de la place, des arcs de triomphe, ornés de drapeaux, avec des
inscriptions : «Vive la République» ; «Vive Félix Faure», «Vive la
France», «Honneur aux défenseurs de la ville en 1557-1870». Le 7 juin, le train présidentiel quitte la gare du Nord à 12 h 20. Le président est accompagné de Méline, président du conseil, Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, le général Billot, ministre de la Guerre, et d'une nombreuse suite civile et militaire. A deux heures dix, le train est en gare de Saint-Quentin. Debout, à la portière, le président est accueilli par le maire Mariolle-Pinguet et décore trente-cinq cheminots, huit officiers et sous-officiers. Le cortège se forme ensuite, et se dirige
vers la sous-préfecture. Il traverse la place du Huit-octobre où le
Saint-Quentin du XVIe siècle a été reconstitué tandis qu'une kermesse s'y
déroule, en costumes d'époque. A trois heures juste, on est à la
sous-préfecture. Le président va y recevoir les autorités, corps constitués,
délégations militaires, soit au total quarante-trois entrevues. Chacune donne
lieu à un discours plus ou moins long. Le président y répond par quelques
mots et termine en remettant quelques décorations. Le président se rend ensuite à la Bourse de
Commerce, rue de la Sellerie (l’actuel Espace Saint-Jacques). Dans la nef, se
trouvent les maires du département, et les instituteurs et institutrices. |
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De là, après quelques mots et remises de
décorations, le président se rend jusqu'à la Grand'place, pavoisée
et décorée comme on l'a vu, une estrade supportant six cents personnes
et une foule considérable sur les trottoirs, aux fenêtres, aux
balcons, sur les toits. A cinq heures moins le quart, le voile qui entourait le monument tombe. Le carillon joue de toutes ses forces. La musique des pompiers joue la Marseillaise. |
C'est alors le discours du maire Mariolle-Pinguet, puis du ministre de la Guerre, donnant lecture du décret
autorisant la Ville à faire figurer dans ses armoiries la Croix de chevalier de
la Légion d'Honneur. Aussitôt I'immense panneau représentant les nouvelles
armes de la ville est découvert sur la façade de l'hôtel de ville. Il y a tant de décorations à remettre que
l'on abrége ; les médailles seront remises plus tard. On n'a même pas le
temps d'offrir au président l'ouvrage relié de la Société Académique. Il
sera envoyé par la poste. Félix Faure se dirige vers le théâtre, sur
les marches duquel deux cent cinquante exécutants jouent et chantent, malgré
le bruit si grand sur la place qu'on n'entend pas une seule note, et en face
duquel sa voiture est rangée. Il salue les musiciens et repart pour visiter
l'Hôtel-Dieu.
Au sortir de l'Hôtel-Dieu, le cortège se
reforme à la hâte et se rend à l'emplacement du futur Fervaques. Il est six
heures et dans les rues la foule est toujours considérable. Trois tribunes, tendues de velours rouge
frangé d'or, sont installées contre la halle. Sur l'immense place, aplanie et
sablée, des balustrades peintes en blanc désignent le plan du futur palais. La
pierre à poser est face à la tribune présidentielle, de l'autre côté de la
rue du Petit-Origny. Sur une table, une équerre, une auge en bois noir, un
marteau, un ciseau et une truelle. Le Maire Mariolle-Pinguet refait un discours. Après avoir été lu par l’architecte Delmas, le procès-verbal de la cérémonie, gravé sur une plaque de métal, est placé dans une boîte en plomb, avec des pièces de monnaie de l'année. La boîte est glissée dans une cavité de la pierre. Félix Faure prend du mortier, fait un simulacre de scellement et celui-ci est opéré aussitôt par des ouvriers du bâtiment. On remet la truelle au président qui remonte en voiture. Il ira à la sous-préfecture, pour... se reposer. Le banquet a lieu dans le pavillon remis à neuf de la récente Halle, construite à la façon Baltard comme celles de Paris. Quinze tables de vingt-quatre ou trente-deux couverts sont disposées perpendiculairement. |
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Le menu préparé par Potel & Chabot:
Potage Saint-Germain aux perles Consommé printanier royal Truite saumonée glacée à l'indienne Quartiers de marcassins braisés aux pignols Timbales à la portugaise Cailles de Virginie en Bellevue Sorbets au vin de Samos Poulardes du Mans rôties sauce Périgueux Pâtés de canetons rouennais Salade russe Glaces Nelusko pralinées Gaufrettes Desserts VINS Madère vieux Saint-Emilion en carafes Haut-Preignac en carafes Chambertin Champagne frappé |
Le menu représente des vues de Saint-Quentin
et le portrait de La Tour par Perronneau. La table d'honneur est préparée pour
cinquante-six personnes. Les deux artistes, Theunissen, le sculpteur et Heubès,
l'architecte, prévus à la table d'honneur, en sont chassés par le protocole
et doivent s'installer ailleurs. A sept heures et demie, le président fait son
entrée. Au champagne, Mariolle-Pinguet fait une courte allocution à laquelle
répond le président. A huit heures et demie, Félix Faure reprend
place dans sa voiture où l'on a empilé les bouquets rapportés des
différentes visites. A neuf heures le train se met en route et à onze heures
et demie, le président était rentré à l'Élysée. Mais à Saint-Quentin, après son départ, la
fête se poursuit. La foule se porte à l'extrémité des Champs-Élysées,
côté Remicourt. On va tirer un feu d'artifice. Le programme prévoit un bal
sur la place, mais ce n'est pas facile. Quelques couples s'y risquent. Mais vers
minuit le temps est de plus en plus brumeux, les gens rentrent chez eux. La
fête est finie. Tout le monde s'attendait, lors de cette inauguration, à ce que le sculpteur Theunissen soit décoré de la Légion d'honneur. Or, non seulement il n'en fut rien, mais encore son nom ne fut jamais prononcé dans aucun discours. On a même vu comment le protocole l'avait éloigné de la table d'honneur pour le banquet. C'est pourquoi ses amis lui offrirent, le 9 juin, à l'hôtel du Commerce, un banquet d'adieux où ils étaient trente convives. Notons qu'à ce banquet, c'est François Hugues - député et ancien maire - qui remercia et félicita l'artiste et que Mariolle-Pinguet n'y était pas.
La chronique ci-dessus est composée d'extraits de l'ouvrage d'André Vacherand "La visite à Saint-Quentin du Président de la République Félix Faure en 1897", publié en 1994 par la Fédération des Sociétés d'histoire et d'archéologie de l'Aisne dans le tome XXXIX de ses mémoires
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Félix Faure Gabriel Hanotaux François Hugues |